LES SENOUFOS
Leur Milieu:L'ensemble ethnique sénoufo est vaste et les différences culturelles des tribus sont nombreuses d'une région à l'autre. Les Sénoufo sont répartis sur trois pays :
1. Au Nord de la Côte d'Ivoire : environ 400 000, délimités par les villes de Katiola, Dabakala, Ferkessedougou, avec Korhogo au centre. (Influence Dioula.)
2. Au Sud Est du Mali : environ 430 000, appelés Minianka (de minian, python, leur totem), délimités au Nord de Sikasso vers Koutiala jusqu'à San. (Influence Malinké.)
3. Au Sud Ouest de la Burkina Faso : environ 180 000, dans une poche, de Banfora vers Bobo Dioulasso. (Influence Bobo, Lobi et Gourounsi.).
La culture de ces trois groupes séparés par des frontières artificielles présente une certaine unité culturelle. Les Sénoufo ont opéré des migrations et des déplacements nombreux avant de se fixer dans cette partie de l'Afrique. Ils ont subi de nombreuses influences extérieures lors des invasions successives dont ils ont été victimes. Aussi, dans la civilisation sénoufo, on peut, dans les grandes lignes, rencontrer la superposition de deux cultures : l'une archaïque, héritage des vieilles traditions mandé, fermée et réfractaire à toute innovation; l'autre, plus moderne, influencée par l'Islam et l'Occident.
Leur Histoire:D'après une légende, lorsque Neugué, considéré comme un être divin et surnaturel, disparut, les guerres entre les groupes Sénoufo commencèrent et les dispersèrent dans plusieurs régions.
Au xvie siècle, les Sénoufo formaient des clans variés autour de Korhogo, Séguéla, Odienné et Kong. La chute de l'empire mariding leur a permis d'émigrer vers le Nord jusqu'à Sikasso et Bougouni, chez les Bambara, et, vers le Sud, jusqu'à la région de Bouaké, chez les Baoulé, alors qu'à l'Ouest et au Sud Ouest, ils subissaient la poussée des Malinké (Dioula).
Paysans indépendants, ils n'auront jamais le goût de la conquête, ni d'un pouvoir centralisé. Après J'éclatement de lEmpire songhaï, qui les avait rendus libres, les Sénoufo furent progressivement envahis par les Dioula dans toute la région entre Bobo et Kong.
L'histoire des Sénoufo est liée en grande partie à l'infiltration Mandé par le royaume Dioula de Kong qui fut, aux XVIIIe et XIXe siècles, un grand centre commercial et religieux (voir Dioula). Les Dioula apportèrent aux Sénoufo l'usage des vêtements amples, des parures luxueuses. Ils ont fini par se fixer à la population Sénoufo et à s'intégrer parfaitement à leur vie et à leurs coutumes.
Leur Vie Economique:Le Sénoufo est avant tout un paysan au caractère conservateur, qui sait parfaitement tirer le maximum de son sol pauvre. Aussi le pays sénoufo est il le grenier d'une grande partie du Mali et de la Côte d'Ivoire.
L'élevage est confié aux Peuls.
Chez les Minianka, la société est divisée en plusieurs associations de cultures. Les associations aident à tour de rôle chacun de leurs membres dans leurs travaux agricoles, au son du tam tam et des chants des griots.
Les marchés hebdomadaires ont lieu à jour fixe afin de se succéder les uns aux autres.
Leur Vie Sociale:La société sénoufo, restée très traditionaliste, n'a pas de frontière très précise entre les différentes institutions sociales, économiques et religieuses, qui sont toutes étroitement solidaires.
Le sentiment religieux imprègne toutes les manifestations sociales. Le Poro, aux mains des vieillards initiés, est une organisation politico socio religieuse qui constitue J'élément charnière de toute la vie sociale des Sénonfo.
Il existe chez les Sénoufo, comme dans toutes les autres ethnies voisines, trois grandes divisions sociales : les nobles ou gens libres, les hommes de caste et les anciens esclaves.
Les castes sont composées des artisans : les forgerons (Fonombélé) qui travaillent aussi bien le fer que le bois, et exceptionnellement le cuir (leurs femmes font de la poterie), lesLorho, bijoutiers sur cuivre, les musiciens joueurs professionnels, les Koulé, spécialisés dans la fabrication des statues et des masques religieux. Ils sont redoutés comme jeteurs de sorts. Les Sonon, prêtres des cultes, fabriquent des fétiches et sont les animateurs des cérémonies et des danses auxquelles ils participent.
Leur Vie Religieuse:En dépit de l'influence des Dioula qui, depuis des siècles, essaient de convertir les Sénoufo à l'Islam, plus de 70 % de la population est restée attachée aux pratiques religieuses traditionnelles. Le Poro en est le centre encore aujourd'hui, mais la durée d'initiation en est réduite et les épreuves sont moins dangereuses qu'il y a à peine dix ans. Les membres des castes d'artisans ont leur propres Poro.
Les Sénoufo croient en l'existence d'un Dieu unique, qu'ils appellent Koulouikiéré, mais qui n'a aucun pouvoir sur le présent et sur l'avenir. Seuls les esprits invisibles et les forces de la nature ont' besoin de culte car il faut s'en protéger. Les Sénoufo pratiquent ces cultes religieux la nuit, dans l'enceinte du bois sacré.
Cette religion comporte deux cultes : le culte de la famille et le culte du village, ayant chacun leur fétiche protecteur.
A partir de 1946, un nouveau culte, appelé Massa, d'origine malienne, près de San, (culte de la corne d'un bélier symbolisant la fécondité), a apporté de profondes perturbations dans la vie spirituelle des Sénoufo.
Toutefois, le culte Massa n'a pas réussi à remplacer le culte du Poro qui continue aujourd'hui à exister sous des formes liturgiques nouvelles.
Leur Vie Culturelle:Des fêtes plus ou moins somptueuses se déroulent au cours des cérémonies initiatiques qui ont lieu à des dates variables. La circonsision est un événement collectif.
Le début de la récolte du mil se célèbre entre octobre et décembre. Le culte des morts est la base de la religion sénoufo. Les funérailles des chefs donnent lieu à des festivités publiques.
Chez les Sénoufo, il n'existe pas de véritable caste de musiciens, seuls les griots d'influence dioula sont castés. Les Sénoufo Minianka de la région de Koutiala comptent parmi les meilleurs joueurs de balafon. Ils portent de grands casques surmontés de Plumes blanches d'outarde ou même d'autruche, achetées chez leurs voisins.
Leur Vie Artisanale:Le Sénoufo, assez médiocre commerçant, est, par contre, un excellent artisan; aussi la production artisanale est elle particulièrement riche et variée.
Les artisans sont groupés en collectivités professionnelles fermées.
Sont libres le filage du coton, l'extraction de l'indigo, la teinturerie, la vannerie. La vannerie est accessible aux deux sexes. On voit, en pays sénoufo, des artisans forgerons, tisserands, potiers, d'origine Mandé, qui se regroupent dans des villages particuliers. Ici, la condition de forgeron n'a rien de méprisable, comme c'est le cas dans d'autres ethnies.
HabillementLa nudité était encore courante il y a une quinzaine d'années. Elle est encore pratiquée pendant les grandes cérémonies d'initiation dans les bois sacrés.
Le costume, dans la brousse, est fait d'une seule pièce d'étoffe tissée, de couleur jaune et brune très caractéristique. On porte là dessus un vaste chapeau de paille de forme conique, qu'un cordon de cuir maintient sur la tête ou dans le dos. Le chapeau est parfois surmonté de fleurs (Minianka).
Dans les villes, comme Korhogo, les Sénoufo ont adopté, soit le boubou, d'influence islamique, soit les vêtements européens.
ParureLes femmes portent souvent de lourds anneaux de cuivre torsadés aux chevilles, réalisés par le forgeron du village. Les anneaux dits à bascule ont deux extrémités pointues. Les bracelets et les bagues ont souvent la forme du serpent python. Les bagues ont d'ailleurs une signification symbolique avec la figuration des animaux mythiques comme le caméléon, le calao, la pintade, la tortue, le crocodile.
Les peignes sont des accessoires très décorés. L'emploi de perles de pierre, de quartz blanc ou de cornaline, est aussi très répandu pour les colliers et les ceintures. Mais ce sont surtout les cauris qui sont le plus employés dans les parures quotidiennes des hommes et des femmes, comme ceintures, bracelets, sautoirs.
Le Yawigué est une amulette protectrice à usage rituel.
Presque tous les Sénoufo portent, suspendue au cou par une chaînette de cuivre, une sorte de trousse qui comprend un cure dents, un cure oreilles et une palette pour prendre le tabac à priser.
Les tatouages purement esthétiques sont encore nombreux actuellement aussi bien d'ailleurs pour les femmes que pour les hommes: ornement solaire autour des seins et du nombril et balafres faciales variées. On raconte qu'à l'origine la fréquence des guerres contre les nombreux envahisseurs nécessita ces scarifications rituelles afin de mieux reconnaître les siens au milieu des batailles.
Certains hommes se font percer le lobe des oreilles pour y introduire un cordon de cuir orné de cauris. Les femmes y ajoutent des perles. des anneaux de cuivre ou d'argent. L'ourlet de l'oreille porte parfois, une série de petits anneaux de cuivre.
TissageLe tissage est libre. Il est en général pratiqué par les Dioula, mais on trouve depuis quelque temps de nombreux tisserands Sénoufo. Dans la région de Korhogo, sur les trois mille cinq cents tisserands recensés, il y a un bon millier de Sénoufo.
Waraniéné et Katia sont deux centres de tissage dioula importants. On trouve en effet encore aujourd'hui plus de deux cents artisan, tisserands dans chaque village.
On tisse surtout des pagnes blancs et à rayures noires et de couleur, des pagnes blancs et indigo aux multiples motifs géométriques. A 50 km de Korhogo, dans tous les villages de la brousse, entre autreSounsoriso et Dikodougou, on tisse avec la technique du brochage des motifs figuratifs d'animaux et des personnages mythiques stylisés.
On utilise le coton local, filé à la main par les femmes, ou produit industriellement par l'usine de Gonfreville (Bouaké).
Le métier à tisser est de type soudanais. Il faut neuf à douze bandes cousues ensemble pour réaliser un pagne. Les poulies sont sculptées de motifs qu'on retrouve dans les masques rituels.
Les teinturiers de Korhogo sont aussi Dioula. Ils font de très beaux pagnes avec le procédé des réserves. Ils utilisent une teinture tirée des noix de kola broyées dans de l'eau.
Les vêtements rituels utilisés dans les danses du Poro sont en tissage de coton écru, grossier, peints ensuite de motifs d'animaux mythologiques : crocodile, tortue, serpent, caméléon, qui représentent les premières créatures vivantes. On trouve aussi sur ces tissus des personnages, des masques et des signes géométriques.
Les dessins n'ont pas plus de 10 cm de hauteur. On les utilise aussi dans les costumes de chasse comme protection magique. Ces dessins sont réalisés sans esquisse, directement à l'aide d'un couteau trempé dans la teinture végétale vert brun, puis fixés avec une autre teinture à base de tan. Devant le succès remporté par ces tissus, un importateur en a fait adapter les dessins pour une utilisation en tenture murale, en les agrandissant et en les répartissant plus régulièrement que sur les tissus rituels. Le résultat fut assez décevant. Les motifs ont vite dégénéré et la teinture végétale brun foncé, pour aller plus vite, fut remplacée par de l'encre de Chine. Maintenant Korhogo et sa région produisent en série ces toiles dites de Korhogo.
Les habitants du village de Fakaha, situé à plusieurs kilomètres de Napiéolédougou, sont tous spécialisés dans ce travail. On constate par cet exemple qu'une adaptation d'une production traditionnelle à des besoins essentiellement décoratifs aboutit à une dégénérescence rapide. Il aurait été préférable de maintenir en grandes surfaces la diversité et l'irrégularité des motifs rituels, quitte à payer plus cher les panneaux de cette qualité.