LES DOGONS
Leur Milieu:Dogon, ou Habbé (incroyant, païen : Kaddo, singulier, pour les Peul), Doundani pour les Maure et les Touareg, Tomboï pour les Songhaï.
Environ 250 000 au Mali.
Divisés en trois groupes : Houmbébé de la plaine, Gondo à l'est, Tombo, gens du plateau à l'ouest et ceux des falaises du centre subdivisés en nombreuses tribus.
Au Burkina Faso vit aussi une minorité dogon. On y trouve donc une grande diversité linguistique (sarakolé, peul), mais une remarquable unité culturelle avec une mythologie commune.
De nombreuses légendes, souvent contradictoires et confuses, circulent sur les origines diverses des Dogon.
Les premiers à occuper le pays furent les émigrants « rouges », les Bana, évoqués encore dans les prières dogon. Puis arrivèrent les Kurumba, appelés Tellem ou Tellinké, qui ont laissé de nombreux vestiges dans les l'alaises de Bandiagara. Ce n'est qu'après que vinrent les Dogon qui se réclament d'une origine commune avec les ethnies du Mandé. Ils occupèrent leur territoire actuel vers le Xe siècle et ont cohabité avec les Tellem. C'est sans doute leur volonté de ne pas s'intégrer à l'Islam qui motiva leur migration et leur isolement du pays Mandé. On retrouve des familles originaires du Ghana qui, vers 1230, à la chute de leur empire, sont venus rejoindre les Rouges. Ils ont conservé la langue sarakolé. Les Bozo, pêcheurs du Niger, ont toujours été liés aux Dogon.
Leur Histoire:Les seuls faits historiques sont ceux des combats des Dogon de la plaine avec les Mossi du Yatenga au XIVe siècle et avec les Peul au XIXe siècle.
Les Songhaï de Gao, les Bambara de Ségou, les Peul du Macina, les Toucouleur les dominèrent tout à tour, mais ils surent conserver leur indépendance grâce aux difficultés d'accès de leurs régions isolées et montagneuses.
Leur Vie Economique:Les Dogon sont essentiellement des cultivateurs de mil.
Le niveau de vie est plus élevé dans la plaine mais, dans les régions montagneuses des falaises, tous les terrains cultivables sont utilisés. La terre est amenée sur toutes les berges rocheuses par les paysans dogon à l'aide de petits paniers. Par leur courage et leur volonté de survie ils ont su transformer ce sol aride en jardins où poussent des légumes et, particulièrement, des oignons.
Cette région s'est un peu transformée grâce à l'installation d'un petit barrage (à Gona), dû à l'initiative de l'ethnologue Marcel Griaule, qui permet de retenir les eaux d'une rivière alimentée pendant la saison des pluies.
On cultive maintenant sur ces gradins aménagés avec tant de peine plusieurs variétés de riz.
Le bétail est confié aux Foulanné Kri Habbé (Peul musulmans), qui nomadisent dans les plateaux herbeux.
Les Dogon ont des ruches pour recueillir le miel. Elles ressemblent à des petits greniers à mil.
L'arrivée des touristes, ces nouveaux conquérants après bien d'autres (si peu respectueux, eux aussi, de la vie difficile de ce peuple). n'apporte aucune amélioration à la vie matérielle des Dogon. Au contraire, leur influence est néfaste par la corruption apportée par l'argent. On fabrique de plus en plus de statues et de masques (non consacrés) pour les touristes. Ce qui a pour conséquence grave de faire très vite dégénérer tous les moyens d'expression artistique de ce peuple pourtant si profondément artiste.
Leur Vie Sociale:La société dogon est patriarcale, composée d'un ensemble de familles et de clans. La base de cette société est la famille étendue. groupée sous l'autorité d'un patriarche.
Chaque quartier de village comporte une ou plusieurs grandes maisons de famille. Sur le plateau de Bandiagara, les jeunes garçons vivent dans des associations de classe d'âge en dehors de leur famille. Ils construisent eux mêmes leur maison très décorée et y donnent des fêtes nocturnes en invitant leurs amies.
Il n'existe pas chez les Dogon de véritable système de caste (en dehors des Hossobé, frappés d'interdit parce qu'ils ont trahi leur tribu et considérés, à ce titre, comme une caste paria et impure).
Il y a aussi une certaine opposition entre les Dogon cultivateurs, qui ont souvent une activité artisanale complémentaire, et les Dogon qui exercent le métier de forgeron et de cordonnier. Ceux ci sont endogames, mais vivent en parfaite communion religieuse avec les agriculteurs. Le pouvoir de chaque village est assuré par un conseil des anciens, composé de tous les chefs de famille et des chefs héréditaires élus.
Plusieurs villages forment une confédération.
Leur Vie Religieuse:Cosmologie, métaphysique, religion, poésie sont étroitement mêlées à la vie quotidienne des Dogon.
Tous les métiers, tous les outils, tous les objets ont une signification rituelle et symbolique qui se rattache à la mythologie dogon.
Les Dogon croient au dédoublement de l'âme humaine après la mort. Une partie rejoint les ancêtres et devient une force protectrice, l'autre partie reste sur terre et recommence son existence dans le ventre d'une des femmes de la famille. Ils croient aussi en un Dieu unique, Amma, Dieu d'eau, d'humidité et de fécondité (faisant penser au Dieu Amon des Égyptiens, avec son culte zoolâtre).
Dieu est le verbe créateur dont chaque parole est associée à une technique particulière. Ce qui place l'artisanat au premier plan de la mythologie dogon.
D'après Ogotemineli, la première parole, fruste, était associée à une ,technique simple qui avait donné le vêtement le plus archaïque : la fibre non tissée n'ayant qu'une unique dimension.
La seconde parole, plus élaborée, émanait du tissage par la rencontre d'une chaîne et d'une trame selon une surface horizontale à deux dimensions.
Enfin la troisième parole, claire et parfaite, se développait dans le réseau cylindrique du tambour au travers duquel passait un serpentin de cuivre selon un volume à trois dimensions.
Le tissage, mais aussi la vannerie et la ferronnerie, eurent leurs ancêtres mythiques et ont joué Lin rôle important dans la construction de l'univers dogon.
Leur Vie Culturelle:Fêtes. Les Dogon célèbrent trois grandes fêtes religieuses
- l'Agguet, donnée en l'honneur des ancêtres dans le courant du mois de mai (mois lunaire); l'Ondonfile, fête des semailles qui dure trois jours, trois semaines environ avant les premières pluies, la Guinam Golo, fête des remerciements, célébrée après la rentrée des récoltes dans le courant du mois de janvier.
- Le Sigui, grande fête rituelle, a lieu tous les soixante ans. Sonbutest de faire passer l'âme de l'ancêtre dans le nouveau masque (le prochain aura lieu en l'an 2032).
La circoncision a lieu tous les trois ou quatre ans.
Musique. Il n'y a pas de caste de griots chez les Dogon. Ce sont les jeunes gens, membres des associations religieuses, qui ont la charge de monter un orchestre pour toutes les cérémonies traditionnelles que nous venons d'évoquer.
La société des masques, l'Awa, a un grand intérêt à la fois culturel, social et religieux. Sous ce terme, on désigne à la fois les masques eux mêmes, les fibres des costumes de danse, l'ensemble des hommes qui participent au rituel et le rhombe, pièce de bois en forme de lame qui, en tournoyant à l'extrémité d'une corde, fait un bruit terrifiant qui annonce l'arrivée des masques.
Les masques ne sont pas l'oeuvre des forgerons dogon. Ils sont tous réalisés par les jeunes gens, membres de la société Awa, initiés par un ancien ayant déjà participé à une fête du Sigui. Après la circoncision, tous les garçons deviennent membres de l'Awa. On leur apprend non seulement à tailler un masque, à réaliser un costume, mais aussi à danser.
L'Awa a permis de réaliser ainsi une véritable synthèse des arts en réunissant des disciplines esthétiques très variées, comme la sculpture, la peinture, la poésie, la danse, la musique, la teinture des fibres, la réalisation de tous les accessoires.
Les Dogon ont encore une variété prodigieuse de masques. Il y a une vingtaine d'années, à Sanga le Haut, lors d'un grand dama (lever de deuil), plus de trois cents masques prenaient part au rituel. Actuellement, à l'occasion d'un dama ordinaire, cent cinquante masques sortent de toute une région. La « mère des masques », haut de 7 à 10 m, n'est pas porté. C'est un objet sacré, évoquant le serpent mythique. Tous les soixante ans les habitants de tous les principaux villages dogon taillent une nouvelle « mère des masques ». C'est la grande fête du Sigui déjà évoquée. La plupart des masques dogon sont en bois, mais certains sont des cagoules de fibres tressées, ornées de cauris :
- Masques zoomorphes, représentant tous les animaux de la faune, des falaises et de la plaine : l'antilope, l'éléphant, le crocodile, le singe, la cigogne, le calao, l'autruche, le lièvre, le lion, la panthère, le hibou.
Masques humains : évoquant les métiers, les âges, les étrangers, les types sociaux, etc.
Masques composés à la fois d'éléments humains et animaux comme le masque à étages Sirige décoré avec des signes abstraits.
- Le masque Kanaga, ce célèbre masque évoquant une croix de Lorraine, a donné lieu à de nombreuses interprétations de la part des ethnologues.
Pour tailler les masques de bois les danseurs de l'Awa se réunissent par petits groupes qui se disséminent dans les environs du village.
Les troncs sont d'abord équarris, puis le danseur procède à la taille par touches successives. Pour éviter l'éclatement du bois par l'effet d'un séchage trop rapide, on l'enduit d'huile de sésame. On passe ensuite à l'application des couleurs à l'aide d'une plume de volaille (noir, rouge et blanc). Les peintures ne représentent pas forcément le pelage de l'animal évoqué, le danseur obéissant à son inspiration.
Le tissage du masque cagoule s'apparente à la sculpture. On le réalise sur un support (pilon utilisé par les hommes pour le battage des épis de mil) de la dimension d'un crâne humain. La technique est plus proche du tricot (maille) que du tissage. Le sculpteur dogon, dans un cadre fixé par la tradition, peut toujours donner libre cours à son imagination créatrice. Il peut d'abord choisir son sujet parmi les différents types de masques du répertoire. Il peut aussi inventer un nouveau modèle. Ayant trouvé un animal intéressant, ou une femme belle, il peut très bien l'intégrer dans l'ensemble des masques.
Les peintures rupestres rituelles (Bamm) se trouvent le plus souvent dans les lieux consacrés aux activités des masques. Elles sont exécutées en rouge par les vieillards. D'autres peintures rupestres de couleur noire ou blanche, sans valeur religieuse, sont faites par les enfants ou de jeunes chevriers pour se distraire. Le noir est fait de charbon pilé, l'ocre de terre. Le rouge provient de l'oxyde de fer. Ces peintures sont dessinées sur tout le territoire dogon. Voir le grand auvent de Songo (abris des masques).
Des gravures ornent l'intérieur de certaines habitations. Les Dogon décorent aussi leurs greniers de bas reliefs en torchis représentant des personnages, des animaux, des masques, des objets usuels.
Les villages dogon sont construits au sommet ou au pied de grandes falaises. Ils s'intègrent parfaitement au paysage. Les maisons à un étage sont construites en briques d'argile rectangulaires ou en pierre taillée. Le tout est crépi avec de l'argile liquide. Les toitures sont en terrasse. Les sanctuaires ou les maisons des Dogon sont décorées sur leurs facades extérieures d'ornementations en briques formées de colonnades et d'ogives superposées et de motifs ajourés. L'ensemble de la façade, avec ses huit rangs de deux trous sombres séparés par des pleins plus clairs, est le symbole de la couverture des morts, aux huit bandes faites de carreaux noirs et blancs (correspondant aux huit premiers ancêtres et leurs descendants).
Leur Vie Artisanale:Dans la mythologie dogon, qui imprègne tous les actes de la vie, le premier ancêtre forgeron et potier descendu sur la terre était armé d'un arc de fer et de flèches fuseaux. Il en lança une au centre de la terrasse du premier grenier (imitant le panier dogon). Il entoura la tige d'un long fil de la vierge jusqu'à la réalisation d'un grand fuseau. Il prit une seconde flèche à laquelle il attacha l'extrémité du fil et la décocha dans la voûte céleste pour servir de point d'appui. De cette nouvelle échelle de Jacob sorte d'arc en ciel gigantesque, allaient descendre tous les symboles ettoutes les techniques effectuées à tour de rôle par les sept autres ancêtres :
l'ancêtre des cordonniers et du tannage (couleur rouge et bleue) l'ancêtre des griots (Couleur rouge)
l'ancêtre de la danse (couleur blanche)
- l'ancêtre de la sculpture et de la peinture (couleur orange)
- l'ancêtre du commerce (couleur noire)
le 7" ancêtre, la maître de la Parole, et, de ce fait, du tissage, de la musique et du langage (couleur rose)
enfin le 8", ancêtre, lié à l'agriculture et à la parole (vert et blanc). Ils avaient chacun leurs outils.
On retrouvera dans chaque métier tous les symboles d'origine. Il n' a pas de caste véritable chez les Dogon. Chacun, suivant ses dispositions, exerce une activité artisanale pendant la saison sèche. Seuls, le forgeron et le cordonnier vivent un peu à l'écart des villages ou forment des quartiers.